09 juil., 2022

Le pranayama : la science du souffle !

Dans le yoga, la science de la respiration, nommée pranayama, a de nombreux bienfaits sur la santé et le bien-être. Elle améliore la gestion des émotions, la gestion du stress, la concentration. Le pranayama augmente aussi notre niveau d’énergie, notre vigilance et notre sentiment d’enthousiasme.

La respiration, clé de voûte du nâtha-yoga

La respiration est le second niveau du nâtha-yoga qui a édifié une méthodologie complète et précise, nommée prânâyâma. Lire aussi « Asana – Les postures de yoga », le premier niveau du nâtha-yoga.

Les sages disent volontiers que c’est la partie la plus importante du yoga comme de l’être humain. Ils disent aussi qu’au cœur de la respiration se trouvent cachés les grands secrets de la vie et du destin individuel. Le mythe prétend que les dieux ont offert en cadeau aux humains le pouvoir d’agir sur le souffle. Le mythe ajoute que, grâce à ce pouvoir, l’Homme peut se hisser au rang des dieux en éveillant ses forces latentes. La respiration est d’ailleurs la seule fonction vitale qu’il nous soit donnée de contrôler ! Et l’étymologie du mot « souffle » dans de nombreuses langues nous en dit long sur son sens profond : « pneuma » en grec signifie l’air, le vent, le souffle, la respiration, l’esprit, la vie, le cœur ; en hébreu « ruah »/ »ruach », âme et souffle ne sont qu’un même mot ; en latin, « spiritus » concerne l’air, la respiration, le souffle, l’esprit, l’âme et la confiance en soi… Voilà de quoi réfléchir quant à l'intérêt de savoir bien respirer !

Activité vitale naturelle, respirer c'est vivre et bien respirer, c'est donc bien vivre.

Photo Agnieszka Ziomek

À chacun de nos états, un souffle …

Nos activités telles que dormir, être concentré, ou faire un effort physique influencent notre souffle. Tout comme la respiration change en fonction de nos activités corporelles, elle change aussi avec nos émotions et nos pensées. Le trac ou la peur bloquent le souffle. Une pensée calme est accompagnée d'un souffle calme, et a contrario une pensée agitée accompagnée d'un souffle agité.

Alors que notre position corporelle, nos émotions et nos pensées peuvent influencer notre respiration, le souffle peut lui aussi agir sur le corps, mais aussi sur nos émotions et sur nos pensées.

On voit combien le souffle, et donc la respiration, est au centre de nos vies, de nos façons d'être, et de notre être. Or, la respiration fonctionne rarement bien chez la plupart des personnes, entraînant des dysfonctionnements physiologiques, émotionnels et nerveux.

C’est donc tout l'enjeu et l’importance qu'il y a à apprendre à bien respirer, à respirer correctement.

Action du souffle sur le corps, l’énergie et la pensée

Parce que le souffle est intriqué dans tous nos fonctionnements, il agit en même temps dans nos trois corps (voir notre article "Les objectifs du nâtha-yoga"). Le pranayama, qui est donc la science du souffle, concerne autant le corps physique que l’énergie et la pensée.

Au niveau physiologique, la respiration agit efficacement sur le système ostéo-articulaire, sur le fonctionnement des organes internes et des glandes endocrines. Il donne une bonne endurance et une bonne capacité de récupération, et garantit une bonne santé.

Au niveau énergétique, la respiration augmente le taux vibratoire et la quantité d’énergie, et agit au niveau émotionnel, permettant d’avoir une meilleure maîtrise de ses émotions et de mieux gérer son stress, son anxiété, mais aussi de mieux gérer ses angoisses, ses crises de panique et de spasmophilie.

Au niveau mental, elle permet d’être plus en recul, plus spectateur et surtout d’avoir une meilleure stabilité de la pensée, une meilleure concentration. 

En éliminant toutes les tensions et les blocages liés au souffle, le pranayama permet d'arriver à l'équilibre et à l'harmonie intérieure. Il constitue alors un outil thérapeutique qui a des applications évidentes pour certains troubles comme les crises d’angoisse, de spasmophilie (voir notre cours de Yoga pour "Gérer les crises d'angoisse"), l'asthme, l'eczéma, la prévention des maladies cardio-vasculaires, la diminution de la pression artérielle et sanguine et du rythme cardiaque, les troubles digestifs, la stimulation du système lymphatique, et bien d’autres encore !

Le pranayama, c'est aussi une façon de se relier et de s'harmoniser au monde qui nous entoure car le souffle est un lien entre l'individu et le monde extérieur. A chaque fois que nous inspirons, nous puisons la vie à l'extérieur de nous, afin qu’elle coule en nous. A chaque fois que nous expirons, nous donnons une part de nous à l'extérieur.

En cherchant à améliorer notre souffle, nous travaillons alors sur notre relation avec le monde extérieur, sur notre relation à notre environnement, et sur notre relation à notre entourage. Il est alors possible de nous détacher de nos conditionnements, de nos habitudes, et de retrouver notre propre autonomie.

Il s'agit donc non seulement de réapprendre à respirer correctement mais aussi de nettoyer notre structure énergétique, les canaux et les centres énergétiques qui soutiennent notre souffle, notre respiration, comme on le ferait pour n’importe quels tuyaux qui transportent un fluide (voir "La respiration alternée").

Photo Martin Blonk

Comment installer une respiration physiologique correcte ?

Installer une respiration physiologique correcte est la première chose à faire. On parle souvent de respiration complète, parfois de respiration totale.

Quelles que soit les appellations, mettre en place une respiration physiologique correcte va consister à mobiliser trois étages respiratoires : le niveau abdominal, thoracique, et claviculaire. Une respiration complète doit mettre en route l'ensemble de ces trois étages.

Au niveau physiologique, cela veut dire que le souffle va d’abord mobiliser le ventre dans lequel l’air va entrer, ce qui va relâcher le diaphragme, puis dans la poitrine et ensuite les clavicules. Si la respiration claviculaire est peu utilisée dans un grand nombre de souffles, elle est présente dans la respiration complète. A l’expiration, c'est l'inverse qui se produit. On commence par "abaisser" les clavicules (façon de parler), puis la poitrine (avec le thorax qui descend) et ensuite le ventre, qui se rétracte. C'est comme une vague qui monte avec l’inspiration et qui descend avec l’expiration. La respiration complète est essentiellement un entraînement que l’on fait en étant allongé pour débloquer une respiration qui serait complètement bloquée, ou pour trouver une détente profonde quand on en a besoin.

La respiration que l’on va mettre en place le plus souvent possible au quotidien est la respiration abdominale. Réinstaller une respiration abdominale est important non seulement parce que le mouvement du ventre va mobiliser davantage le diaphragme (muscle qui active le mieux la respiration pulmonaire), mais aussi pour stimuler la zone comprise entre le nombril et le sexe car cette zone correspond au lieu de naissance du souffle, de l'énergie. Certains souffles, comme le bhastrika abdominal (soufflet du forgeron dans le ventre, voir notre vidéo gratuite de 19 minutes) vont agir particulièrement sur cette zone.

Pourquoi allonger et ralentir la respiration ?

De façon générale, nous faisons en moyenne 15 à 20 respirations à la minute. En apprenant à respirer plus lentement, plus longuement, en apprenant à allonger notre souffle et à le ralentir, une cascade de réactions se produit au niveau physiologique, au niveau énergétique et au niveau mental. Certaines postures facilitent ces allongements de souffles (Voir nos cours de yoga en ligne, en vidéos : Kurmasana, la posture de la tortue ; Matsyasana, la posture du poisson, …).

Une respiration lente et profonde mobilisant le ventre, donc le diaphragme et le nerf vague, va donc avoir pour effet de stimuler le système parasympathique, ralentir le nombre de pulsations cardiaques, agir sur certains centres cérébraux des émotions et au bout du compte produire une effet relaxant et apaiser l’organisme (voir Dossier Cerveau & Psycho N°103 « Les pouvoirs de la respiration »)

Retenir et suspendre son souffle

Pourquoi retenir ou suspendre son souffle ?

La rétention du souffle est appelée « Kumbaka » en sanskrit et signifie « la jarre ». Faite après une inspiration, il s'agit d'une rétention à poumons pleins. Faite après une expiration, on parle de rétention à poumons vides. Il s'agit de bloquer le souffle de façon volontaire dans un centre énergétique, ou dans la colonne vertébrale en y associant des bhanda (contractions), des mantra (son OM par exemple, mais il en existe bien d’autres), des visualisations, … La rétention du souffle est un acte volontaire.

En 2016, les travaux de l’équipe du neuroscientifique américain Jay Gottfried indiquent que l’activité de nombreuses régions cérébrales oscille au rythme de la respiration. On peut facilement imaginer ce qui se produit lorsque l’on allonge le souffle, quand on le retient et le suspend grâce aux études menées sur le cerveau d’apnéistes professionnels : lors d’une apnée prolongée, les apnéistes professionnels sont dans un état de conscience modifiée décrit par un état de plénitude, de paix et de lucidité similaire aux grands méditants.

La suspension du souffle est appelée "Kévali" en sanskrit. Dans cette deuxième façon d'arrêter le souffle qui est plus fine, plus subtile on ne respire plus mais on ne fait rien, on laisse faire. Comme si le souffle s'arrêtait tout seul sans avoir à intervenir. Il n'y a plus de volonté ou d'action personnelle. On est juste observateur du souffle qui se suspend, qui s'immobilise et qui ouvre tout l'espace mental, tout le son, toute la lumière. La suspension du souffle est un acte passif.

La rétention concerne l'énergie, sa puissance, sa force alors que la suspension concerne le plan mental, la légèreté, la vibration. Rétention et suspension ne concernent généralement pas les mêmes souffles. Ce sont deux éléments complémentaires.

A plus long terme, les scientifiques indiquent que la pratique régulière d’exercices respiratoires pourrait modifier durablement l’organisation et le fonctionnement de certains de nos circuits cérébraux via le mécanisme de neuroplasticité qui est la capacité qu’a le cerveau à se modifier tout au long de sa vie.

Comment et quand faire pranayama ?

Dans le Nâtha-yoga, on fait du pranayama dans les postures (voir aussi l'article " Les postures de yoga - Asana"), dans les concentrations, etc. mais il existe également des techniques de « pranayama pur ». Dans ce cas on adopte généralement une position assise dans laquelle on est à l'aise (voir notre cours de yoga en vidéo « Les postures assises »). La plus efficace est celle du lotus (voir notre cours de yoga  sur « Le Lotus et sa préparation »). Mais quelque soit la posture assise choisie, la colonne vertébrale est parfaitement droite et on essaie d'être immobile, et d'avoir la sensation d'unité entre le corps, l'énergie et la pensée.

Dans ce yoga, la respiration est systématiquement associée à une visualisation intérieure, à un mantra (son OM par exemple) ou à un compte (1, 2, 3, ...). Sont également mis en place des mudra (gestes des mains, position de la langue, etc.), des bandha (contractions de certaines parties du corps telles que serrer le sphincter anal (anus), rétracter le ventre, …), et des drishti (position du regard convergent sur un point tel que le bout du nez, entre les sourcils, le sommet du crâne, …). Mais évidement tout cela se fait au fur et à mesure avec l’habitude.

Il existe 4 moments particulièrement porteurs pour pratiquer le souffle dans la journée: Quand le soleil se lève, quand il se couche, à midi et à minuit. A midi quand le soleil est au plus haut, c'est le bon moment pour les souffles de feu, rapides, forts, les grandes rétentions. A minuit, quand le soleil est au plus bas, c'est le moment pour les non-souffles, très arrêtés, très immobiles, sans air.

Le fait de pratiquer tous les jours à la même heure peut aussi aider et faciliter la pratique car à partir d'un certain temps, le corps est prêt. Comme si de fois en fois, quand on pratique toujours aux mêmes heures, quelque chose se prépare physiologiquement, énergétiquement, et mentalement.

Mais le plus important c'est de pratiquer régulièrement (1 fois par jour ou tous les 2 jours) quelque soit le moment pour avoir de bons résultats et s'assurer une bonne efficacité.